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LES POÈMES BARBARES

de lui apporter des satisfactions. Il comprend la nouveauté de son œuvre, Il a conscience que sa Préface a l’intérêt d’un manifeste. Mais des critiques réputés en contestent l’opportunité et la valeur. « La préface de M. Leconte de Lisle, écrit Gustave Planche, prouve jusqu’à la dernière évidence que le maniement de la mesure et de la rime n’enseigne pas les lois les plus élémentaires de la prose. Les idées les plus justes ont besoin d’être présentées sous une forme claire et précise. Or, M. Leconte de Lisle paraît dédaigner résolument la précision et la clarté ![1] »

Les plus chauds admirateurs font bien des réserves. Il en est, comme Flaubert, qui repoussent l’article essentiel de la poétique nouvelle en niant la nécessité d’un retour à l’antique.

« J’ai lu Leconte, écrit-il en 1853 à Mme X. ; eh bien, j’aime beaucoup ce gars-là, il a un grand souffle, c’est un pur. Sa préface aurait demandé cent pages, de développement, et je la crois fausse d’intention ; il ne faut pas revenir à l’antiquité, mais prendre ses procédés… Il faut prendre surtout son point d’appui dans le présent[2]. »

Et Flaubert refuse presque à ce gars qu’il aime des qualités que Leconte de Lisle se flattait d’avoir réintégrées dans la poésie française d’où les romantiques les avaient laissé tomber : « Il sait ce que c’est qu’un beau vers, écrit-il dans la même lettre, mais

  1. Revue des Deux-Mondes, 1853, III ; p. 1201.
  2. Correspondance, t. II, p. 239.