Page:Vianey - Les Poèmes barbares de Leconte de Lisle, 1933.djvu/23

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
16
LES POÈMES BARBARES

quand il a pensé assister à sa destruction prochaine est avivée par les souffrances issues de sa pauvreté. L’époque qui s’étend de 1848 à 1855 est celle où il a eu le plus de peine à se procurer le pain quotidien. On ne peut lire chez Calmettes sans émotion tant d’anecdotes qui attestent la détresse de ce poète, mal logé, mal nourri, ne sachant où trouver les ressources indispensables[1].

C’est aussi dans ces années-là que son cœur a le plus souvent connu les tristesses de l’abandon, de l’isolement et de l’exil. Il souffre d’aimer encore la femme qui l’a trahi. Il souffre du regret que celle qui fut « le charme de son premier rêve » ait été la compagne d’un autre et ait été ravie par une mort prématurée. Il souffre d’être sevré de l’affection de sa famille dont il est maintenant éloigné et avec laquelle les relations ont cessé d’être très cordiales. Et après tant de belles journées passées dans l’île natale à jouir des magnificences d’une nature opulente, il lui en coûte d’être confiné à Paris dans un appartement dont les fenêtres ouvrent sur la cour.

C’est encore à cette époque qu’ayant dépouillé le peu de foi chrétienne qu’il avait conservée, sans l’avoir remplacé par une vraie foi aux conceptions de Fourier, il ne s’arrête plus que par instants au rêve qu’à la vie douloureuse menée sur cette terre succéderait une vie meilleure sur un autre astre.

La publication des Poèmes Antiques vient sans doute

  1. Voir Calmettes, p. 3 et suiv.