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LES POÈMES BARBARES

Çunacépa, la femme aimante et chaste, cédant la place à l’Inde de l’Islam et des Mongols, à l’Inde de Nurmahal ayant une âme de courtisane ; de Djiann-Guîr, prince scrupuleux, qui tue son rival pour ne pas se parjurer ; de Aureng-Zeyb, prince austère et pieux, qui détrône son père après avoir massacré ses frères.

Plus barbare que les autres, l’ère moderne, ère de la richesse, de l’industrie, du luxe ; ère sans beauté, sans générosité et sans noblesse ; ère où l’on coupe les forêts vierges pour faire de l’argent. C’est l’ère de la science, il est vrai. Mais la science qui procure une meilleure vue des choses, apporte avec elle la connaissance de barbaries jusque-là ignorées ou mal connues ; elle révèle toutes les barbaries du passé et toutes celles des régions tropicales ; et bien loin de défendre les sages contre la misère et le dédain, elle les affame et les humilie.

Si le dessein de composer un recueil de Poèmes Barbares ne s’est pas présenté tout de suite à l’esprit de Leconte de Lisle et n’y a pris consistance que peu à peu, si un assez grand nombre de poèmes qu’on y lit aujourd’hui sont antérieurs à la première formation de ce dessein, il n’en est pas moins évident qu’en 1871 il a jugé que tous ceux qu’il admettait dans le volume y étaient à leur place et contribuaient à en justifier le titre. Un tel titre nous invite à assister dans chaque poème à une espèce de barbarie.

Voyons donc l’une après l’autre les barbaries diverses au spectacle desquelles l’auteur nous convie. Prenons chacune d’elles, autant qu’il sera possible, au moment