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presque. La bibliographie d’Hugo Thieme en fournit une preuve frappante : avant 1873 elle signale seulement six études et dix articles sur Leconte de Lisle.

Beaucoup de ceux qui avant 1880 lisent Leconte de Lisle ne veulent voir en lui qu’un peintre. C’est l’opinion que Barbey d’Aurevilly a exposée avec verve dans une étude faite avant les Poésies Barbares de 1862, mais après les Poésies Complètes de 1858, où il a lu (il les cite) les Éléphants, les Hurleurs, la Ravine Saint-Gilles, les Jungles, le Manchy[1].

Chez M. Leconte de Lisle, nous dit-il, « il n’y a certainement qu’un descriptif. Il l’est purement et simplement, mais son relief est si vigoureux et si plein qu’il a fait battre des mains à toutes les paumes épaisses de tous les matérialistes contemporains ». Midi, si admiré, « n’était après tout qu’un tableau, et il n’y a que cela dans ce volume qui ose bien s’appeler Poèmes : il n’y a que des tableaux et des vignettes quand il n’y a plus de tableaux. On parla de Poussin, on parla d’Ingres, on parla aussi de Delacroix, quand M. Leconte de Lisle fit les Jungles et peignit les bras d’ambre de ses femmes et le tacheté de sa panthère. Mais quel triste destin pour un poète d’être comparé même à de grands peintres, dont il n’est jamais avec des mots que le pâle reflet ! »

Ce peintre n’est pas un philosophe… « Il a traversé des doctrines, mais il n’a foi en rien, pas même dans

  1. Les Œuvres et les Hommes, 1862, tome III.