Page:Vianey - Les Poèmes barbares de Leconte de Lisle, 1933.djvu/183

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Poèmes Barbares, de ce qu’on entrevoit sous ces paroles, on peut du moins conclure qu’il attendait parfois de la mort mieux que l’oubli bienfaisant d’une vie douloureuse, qu’il en attendait l’accès à la vérité, et sans doute aussi à la justice.

Il ne niait pas toujours, non plus, que l’humanité pût avoir sur cette terre un sort meilleur et que l’action fût utile.

Il me semble que déjà en 1860 Effet de Lune[1] est autre chose qu’un paysage marin, mais donne, sous une forme symbolique, à l’humanité une leçon d’espérance.

Autour des marins éperdus, le vent mugit, la mer dresse ses flots bourbeux, les démons de l’Atlantique dansent leur sabbat. Le navire s’enfonce, se cabre, tremble, s’enlève. Nul astre au ciel. Brusquement, du côté où l’on gouverne, s’entr’ouvre une caverne étroite où palpite un reflet, où bientôt pend, lugubre torche, une moitié de lune… Alors, dans cet antre, à pleines voiles, le navire hors de l’enfer s’élance au devant des étoiles.

Le tableau est saisissant de vérité. C’est qu’il reproduit, on le sent, le spectacle contemplé par le poète pendant une traversée et demeuré vivant dans son souvenir. Mais ne sommes-nous pas invités à voir dans cet

  1. Revue Contemporaine, 15 avril.