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son soleil implacable, ses fleurs enivrantes, qui suscitent chez le prince et chez la femme cet appétit de volupté qui n’hésitera pas à se satisfaire par le meurtre.

Écoutons les Nornes. La première dit :


La neige, par flots lourds, avec lenteur inonde,
Du haut des cieux muets, la terre plate et ronde.


Et la seconde :


Tombe, neige sans fin !…
Brouillards silencieux, ensevelissez-nous !
Ô vents glacés,…
Ainsi que des bouleaux vous secouez les branches.
Sur nos fronts aux plis creux fouettez nos mèches blanches !


Il suffit : nous avons compris que la légende des Nornes n’a pu naître que dans un pays de neige, de brouillards et de vents glacés.

Chercher dans les mœurs et les croyances des hommes l’influence profonde de la nature du sol où ils sont plantés, c’est la tâche que Leconte de Lisle s’assigne pour être l’historien tel que le comprennent la plupart de ses contemporains. Tâche difficile : car il ne méconnaît point que dans la différence des mœurs persiste l’humanité des caractères et que toutes les mythologies répondent aux mêmes besoins essentiels, se ressemblent malgré les singularités qui les opposent. Tâche qui donne des satisfactions : elles soutiennent le poète contre le spectacle des barbaries, contre le souvenir des souffrances. Mais elles ne lui suffisent pas, et il