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adressé de préférence à ceux qui alors avaient la réputation d’être bien informés. Il a parlé des Nornes sur l’autorité de Bergmann, des origines gauloises sur celle d’Henri Martin, de l’Égypte sur celle d’Emmanuel de Rougé, et nous avons vu que plusieurs de ses Poèmes historiques ont suivi de très près des publications qui avaient eu du retentissement dans le monde savant. Lecteur de l'Univers pittoresque, c’est d’après des récits de voyageurs et d’après des planches insérées dans ces écrits, qu’il a décrit le Jaguar à l’affût et le Condor au vol. Son Sennaar est sorti de la relation d’un explorateur.

Son histoire et sa géographie sont donc celles de son temps par le respect du document. Elles le sont davantage par la conception qui les anime. Elles expliquent surtout les idées, les croyances, les mœurs des individus et des peuples par le climat, à prendre le mot dans un sens large qui englobe tous les caractères physiques d’un pays. Ce n’est pas seulement pour le plaisir de nos yeux et de nos oreilles qu’on nous montre d’abord la tour de Komor, dressée sous le fouet des rafales d’hiver et qu’on nous fait entendre le grondement immense des flots, le tintement de la grêle, le bruit du vent qui secoue les houx sur les talus, le hurlement lugubre du carnassier sur les dunes ; on veut nous dire : c’est ce décor qui a fait Komor ce qu’il est, qui fera son jugement ce qu’il sera. L’amant de Nurmahal sent courir dans ses veines le même frisson d’aise que le lion qui flaire l’antilope : c’est toute la nature de l’Inde,