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désert peuvent voir des animaux, à mesure qu’ils s’avancent, puis à mesure qu’ils s’éloignent. Des rues de Lahore, il décrit seulement ce que du haut de sa tour en peut voir le maître du monde[1].

Mais l’ordre n’est rien sans l’harmonie. C’est la vérité qu’avait prêchée avec tant d’insistance Bernardin de Saint-Pierre : toute chose est belle quand elle est à sa place, c’est-à-dire entourée de choses qui lui conviennent. De cette vérité retenue par Chateaubriand et les romantiques, peu d’artistes ont compris la portée aussi bien que Leconte de Lisle. Dans la Panthère, poème tropical, comme dans le Runoïa, poème glacial, dans la plupart des poèmes, les décors ont les mêmes caractères que les héros. Mais cet accord du décor et du héros n’intéresse pas seulement la beauté et le pittoresque.

À la volonté d’être un bon peintre s’associait, en effet, chez Leconte de Lisle celle d’être un bon historien et un bon naturaliste. Il l’a été dans la mesure où un poète peut être et de la façon dont on l’était en son temps. Assurément, il a sacrifié parfois la vérité à l’effet, et parfois, ce qui est plus grave, au parti-pris. Mais on ne peut contester qu’il ait eu une très grande curiosité du passé et que pour le connaître il se soit

  1. Nurmahal.