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le destructeur des bois, l’homme au pâle visage. Il aura tant rongé le monde où pullulait sa race que pour assouvir sa faim il se cramponnera à la mamelle où regorge la vie.

Alors le poète donne à la forêt tout le détail de cette destruction barbare : ses baobabs déracinés, un lit creusé à ses fleuves jusque-là indomptés, les plus forts de ses enfants fuyant épouvantés devant ce vermisseau plus frêle qu’une herbe, la torche embrasant ses fourrés, plus de fracas, plus d’oiseaux, des bruits vils, des cris désespérés et un fourmillement noir entre des murs hideux.

Mais le temps travaille pour la forêt : elle rejaillira de notre cendre.

Quinze ans après avoir maudit le destructeur des antiques forêts, Leconte de Lisle maudit le destructeur des races qui les habitèrent.

Dans le Calumet du Sachem (Nouvelle édition des Poèmes Tragiques, 15 mai 1886), il refera, peut-être encore d’après Aimard, le portrait de la forêt vierge ; il dira mieux encore la noble ascension des troncs vénérables ; il dira mieux surtout la diversité des animaux qui la peuplent. Au milieu d’eux, il assied, contre le tronc géant d’un sycomore, le sachem, le dernier chef Sagamore, fumant son calumet en attendant que la dent d’une panthère l’envoie au pays