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Hommes, tueurs de Dieux, les temps ne sont pas loin
Où, sur un grand tas d’or vautrés dans quelque coin…

Vous mourrez bêtement en emplissant vos poches.

Entre les deux anathèmes le poète flétrit quelques-unes des barbaries de son temps.

D’abord celle de la guerre. Certes, on doit bénir le sang pur des braves qui à Solférino sont tombés pour la liberté, affrontant la gueule du canon. Mais quel horrible spectacle présente après la bataille le champ jonché de morts ! De quelles horreurs pires ce spectacle est-il la suite ! Ce ne fut pas la bataille comme on la faisait au siècle des épées. Ce fut la bataille comme on la fait au siècle du canon et du fusil. Sous un large soleil d’été, sans relâche, de l’aube au soir, les boulets ont fauché les prés, brisé les vignes, fait choir par blocs entiers de longs murs d’hommes. Puis, ça été l’étreinte féroce des corps à corps, le fer des baïonnettes se gorgeant à l’aise d’un sang fiévreux, les cervelles jaillissant sous la lourdeur des crosses. Maintenant, plus de cris, plus de râles. Seul, au milieu du massacre immense, un cheval, percé de coups de feu, dresse son cou roidi pour jeter au vent un rauque et triste adieu. Le mot combat ne convient plus. C’est boucherie qu’il faut dire, et le poète, malgré la sainteté de la cause, maudit cette boucherie, cette