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Ce que dit le Vengeur Qaïn au Dieu jaloux.

Il lui dit son amer regret de n’avoir connu l’Éden qu’en rêve. Il lui dit la souffrance de ses parents jetés hors de ce paradis dans une nature sauvage ; les couches douloureuses de sa mère ; son entrée dans une vie qui lui a été imposée ; sa résistance à la soumission commandée par le Khéroub serviteur de Dieu : — Prie et prosterne-toi. — Je resterai debout.

Il rappelle ensuite à Iaveh par quel désir irrésistible c’est Iaveh lui-même qui l’a poussé au meurtre d’un frère aimé.

Mais le Vengeur prédit à son ennemi qu’il aura sa revanche. Dieu voudra engloutir dans les eaux du déluge les hommes tout animés de l’esprit de Qaïn. Des eaux les hommes sortiront serviles et lâches, mais ayant la haine au cœur, et leur haine grandira. Ils secoueront peu à peu le joug. En vain pour le conserver Iaveh fera s’acharner les tenailles de fer et flamboyer les bûchers ; un jour les petits enfants, ne sachant plus son nom, riront dans leurs berceaux ; l’esprit de Qaïn effondrera la voûte des deux, et qui y cherchera Dieu ne l’y trouvera pas.

À ce réquisitoire du Vengeur d’autres Vengeurs ont apporté leur concours. Car le Qaïn de 1869 est apparenté à tous les grands révoltés de la littérature romantique, à ceux qui procèdent de la mythologie et à ceux qui procèdent de la Bible : Prométhée de Gœthe, dédaigneux des dieux et des dupes qui les