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précédé par Éviradnus (1859). Son intervention n’est pas moins romantique. Mais, sauvage qui parle à des sauvages, il a un extérieur bien plus farouche. Il a aussi un langage plus coloré. Il doit un peu celui-ci au prophète Osée, dont le poète a lu attentivement les malédictions contre les tribus idolâtres[1]. Mais il le doit surtout à la conception que Leconte de Lisle se fait du prophète d’Israël et de son Dieu.

« Fourbe, renard, voleur, vermine d’Israël, vipère, chacal, fils et père de chiens : » voilà les titres que le Dieu de cet Élie a commandé à son prophète d’adresser au roi d’Israël.

Et voici le châtiment qu’il lui réserve : les petits enfants le verront grouiller dans la boue, les chiens mangeront sa cervelle, son sang entrera dans l’égout.

De telles paroles sont celles d’une très grande colère. Or, le Dieu dont l’Élie de Leconte de Lisle est l’interprète reconnaît, en effet, que la fureur le consume, qu’il est « plein de rage ». Aussi sa rage ne se laisse pas désarmer par le repentir.

La Bible raconte que, le roi s’étant humilié, Dieu s’était engagé à ne pas faire tomber sur lui

  1. Le prophète Osée a un style perpétuellement imagé. Voir Osée, V, 1.12, 14 ; VII, 8, 11, 12, 16 ; VIII, 1, 6, 8, 9 ; IX, 10, 11 ; X, 11 ; XIV, 7, 8 : Dieu dit : « Et moi je serai pour eux comme une lionne, je les atteindrai comme un léopard sur le chemin de l’Assyrien. Je viendrai à eux comme une ourse à qui l’on a ravi ses petits ; je leur déchirerai les entrailles jusqu’au cœur, et je les dévorerai comme un lion dans leur exil même. » — Divers détails m’ont prouvé que le poète avait lu attentivement Osée dans la traduction Lemaistre de Sacy.