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figuier au fruit roux sous lequel les hommes sont assis. Nous avons vu de même la maison et le mobilier du prince, l’ivoire qui revêt les murs et le lit de bois précieux. Nous avons vu courir son char aux roues d’ébène et aux moyeux d’argent. Nous avons entendu le sistre, la harpe, le tambour, le clairon de ses musiciens. Sous nos yeux a été dressée, dans un bouquet de térébinthe, la statue de Baal, peinte de vermillon, une escarboucle au front[1].

Mais tout cela, nous ne l’avons vu qu’associé aux gestes des personnages.

À leurs gestes, et à leurs paroles. Car, étant des Orientaux, ils multiplient les comparaisons, et par elles tout leur pays, toutes leurs mœurs surgissent devant nous.

Pour expliquer le mépris où on le tient, Akhab dit que sa gloire est une cendre vile et son sceptre un roseau des marais ; pour qualifier l’impuissance de ses désirs, il se compare au lion mort insulté par la corne du bœuf et par le pied de l’ânon. Jézabel s’étonne

  1. Pausanias, II, 24. Leconte de Lisle a pris cela dans Creuzer, Religions de l’antiquité, t. II, p. 22. — Il n’a probablement pas connu la Bible de Cahen (traduction française, 1836), que Flaubert a utilisée. Cahen conserve aux noms propres leur physionomie hébraïque : A’hab, Izebel, Eliahou, laouda, Schomeron (Samarie). Or, au moment où il écrit La Vigne de Naboth, Leconte de Lisle a déjà pris l’habitude de conserver aux noms propres leur physionomie. Il l’a fait dans le Massacre de Mona, contemporain de la Vigne : Velléda y devient Uheldéda. Il l’aurait fait sans doute dans la Vigne s’il avait connu Cahen.

    À Naboth il a prêté le caractère de Job ; aux accusateurs de Naboth, celui des ennemis de Job.