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narine, montent jusqu’à elle l’âme errante des fleurs soulevée par le souffle du soir et la fumée des hûkas pleins d’épices. Pour éblouir le lecteur, les détails s’opposent aux vues d’ensemble, les couleurs se combinent avec les sons, le tableau s’élargit et ce rétrécit. En dix strophes, combien d’art accumulé, et même combien de vérité !

Mais le roi du monde est triste. Certes, il songe qu’il a conquis un grand empire et soumis à sa race la race des Aryas ; il a gravé le Koran sur le marbre et l’agate ; car sa religion, associée à son ambition, a stimulé son orgueil de conquérant. Mais elle ne lui donne pas le repos. Elle n’a point arrêté les élans de sa volupté, elle les exaspère. Elle n’a pas modéré son instinct sanguinaire et le frisson qui court en lui est celui du tigre flairant l’antilope. Donc, le roi est triste, parce qu’un désir le blesse, le désir de posséder la femme dont la voix de cristal chante en ce moment comme la voix des huris.

Cette femme, qui sait le désir qu’elle inspire, c’est la blanche Nurmahal. Son mari Ali-Khan est parti pour la guerre ; mais le nom du Prophète inscrit sur sa lance garantit la fidélité de Nurmahal : elle a juré de lui être fidèle jusqu’au tombeau.

Les jours se sont enfuis. Aujourd’hui, Nurmahal siège sur le trône mongol, ayant aux oreilles deux rançons de radjah. Et la maison d’Ali-Khan est muette. Mais Nurmahal n’a pas trahi ses promesses : elle peut régner puisqu’Ali-Khan est mort. Et l’ironie