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dont le regret le bouleverse, et qu’il méprise tout en la désirant encore.

Mais le souvenir d’une aventure personnelle n’est qu’une des origines du poème. La puissance merveilleuse du grand Mongol offre un sujet magnifique à l’historien que Leconte de Lisle sait être souvent. Elle offre surtout d’incomparables tableaux à l’artiste, au peintre des paysages, des architectures et des costumes, au prestigieux assembleur de sons, de couleurs et de contrastes. Et l’ennemi de l’Islam voit une belle occasion de manifester son hostilité contre les crimes commis avec l’appui de la religion.

Voici donc comment, en la remaniant, il conte à son tour l’histoire de Nurmahal.

Djiann-Guîr, fils d’Akbar, est assis sur la terrasse qui regarde Lahor. De là il voit, et nous voyons avec lui, toute la ville impériale. Quelle variété d’hommes et d’animaux ! Combien de bruits et combien d’odeurs ! Devant le maître défilent le brahmane traîné par ses bœufs au poil de neige, les éléphants qui viennent boire au fleuve, les courtisanes sur leurs charriots bas et les fakirs chantant leurs légendes, les chiens rôdeurs dont les caïs protègent les varangues, les radjahs dans leurs palanquins. Pour amuser les yeux du prince, les fruits mûrs des figuiers, les housses écarlates des éléphants et la pourpre du ciel font ensemble une symphonie de rouges, et les cils teints des courtisanes font un amusant contraste avec la citrouille des saints personnages. Pour flatter sa