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avant de prendre leur repas devant le sanglant trophée. Mais le vieux est prêt à perdre son âme plutôt que de renoncer à sa haine :


C’est bien lui ! Je le hais, certe, à me damner l’âme !

Chimène dans le poème de Leconte de Liste recouvre son nom espagnol dont le traducteur français du Romancero l’avait dépouillée. Elle redevient Ximena, ou plutôt la Ximena. Et le roi redevient Hernan. Et les gentilshommes redeviennent des fidalgos.

Les vrais costumes reparaissent comme les vrais noms : la Ximena reprend sa cape, sa coiffe et sa cotte ; les gentilshommes reprennent leurs chaudrons et leurs bannières.

De cette Castille, Leconte de Lisle entend nous rendre, avec le pittoresque des noms et des habits, la rudesse des mœurs. Il n’invente pas tout ; il n’invente pas le plus sauvage : il ne fait que répéter une chanson du Romancero quand son héroïne se plaint que Don Rui s’en vienne, pour engraisser un faucon familier, meurtrir ses colombes fidèles et lui teindre la cotte du sang qui coule d’elles. Mais, mis en verve par un trait comme celui-ci, le poète français va dans la voie de la barbarie au delà du Romancero. Il amène devant le roi Justicier des riches et des nobles qui sont de purs bandits, ayant volé son escarcelle au Juif et sa laine au marchand.