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mon malheur ne soit tel qu’avant de t’avoir remercié mon cœur se fonde avec un si grand sujet de joie !

Ô infâme comte Loçano ! le ciel me venge de toi, et mon bon droit a donné contre toi des forces à Rodrigue.


Alors don Diègue invite son fils à s’asseoir au haut bout de la table : celui qui apporte une telle tête doit être à la tête de la maison.

Dans cette chanson, déjà fort sauvage, qu’est-ce que le poète français croit devoir introduire ?

D’abord un tableau, qui autour du vieillard, présenté dans une attitude émouvante et plastique, suscite un décor disant à la fois le pittoresque des mœurs, l’opulence de la maison, la gloire de la race ; éclairage fantastique, échansons, pages, Maures lippus, coffres trapus, poutre massive, chandeliers de fer, résine qui crépite, cimiers pendus aux murs.

Mais ce qu’il veut ajouter surtout, c’est un surcroît de barbarie. Cette tête que le vieux guerrier dans le Romancero veut qu’on recouvre, don Rui, dans le poème français, la pose sur un plat ; la nappe en est rouge ; le père et le fils s’en repaissent les yeux. Tous deux, s’asseyant côte à côte à la table, graves et satisfaits, ils mangent la venaison,


En regardant saigner la Tête lamentable.


Et tous deux sont, comme Komor, des chrétiens chez qui la foi parle moins haut que la passion. Associant bizarrement l’une et l’autre, ils murmurent une oraison