Page:Vianey - Les Poèmes barbares de Leconte de Lisle, 1933.djvu/109

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’Agonie d’un Saint parut le 1er février 1861 dans la Revue Européenne.

Le vieil Abbé, couché sur son grabat, a reçu les dernières huiles. À son chevet ne veille plus qu’un moine. Celui-ci voit le moribond se dresser et il l’entend parler comme en face du Juge infaillible. L’Abbé rappelle que Paul lui ayant commis le glaive et Pierre les deux clés, il a précipité sur le Midi les bandits et chevaliers du Nord. Il répète les cris qu’il jetait pour commander l’assaut contre Albi, Béziers, Foix, Toulouse, pour exiger les massacres :


Tuez, tuez ! Jésus reconnaîtra les siens
Écrasez les enfants sur la pierre, et les femmes !


Dieu l’échauffait du feu de son zèle. Mais voici qu’il entend une Voix terrible qui lui dit : — Loin de moi, Fou furieux ! Moine gorgé de chair et de sang d’homme ! Tu mens ! C’est l’orgueil de commander aux rois dans tes haillons de bure qui faisait tressaillir ton âme altière et dure. — Et la Voix envoie l’assassin, loup féroce, tomber avec Qaïn dans l’abîme éternel.

Alors l’Abbé se renverse dans un rire effroyable et le moine qui est auprès de lui s’évanouit.

Pour imaginer cette histoire, Leconte de Lisle s’est souvenu manifestement d’Arnaud Amauri, abbé de Citeaux, qu’on appelait « l’Abbé des Abbés », envoyé