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ces visions est celle de l’Enfer où le père dit avoir été transporté[1].

L’Enfer décrit par Sœmund intéresse Leconte de Lisle par son pittoresque, car le poète chrétien du XIIe siècle conçoit ce lieu d’expiation à l’image du séjour où la vieille mythologie islandaise logeait Hel, la mort. Il le situe en dehors du monde. Il y fait traîner des eaux fangeuses et tomber des gouttes de venin. Là règne le Prince du brasier. Sous ses regards volent ou chevauchent, devenus démons, d’anciens dieux scandinaves : les dragons de la Disette, le cerf de Sôl, les sept fils de Nidi, des géantes qui broient péniblement des cailloux et dont les cœurs saignants pendent hors des poitrines.

Aux côtés de ces démons subissent leurs peines les neuf catégories de coupables : les violents, qu’une épée meurtrit parce qu’ils ont versé le sang ; les païens marqués au front de signes qui les font reconnaître pour ce qu’ils sont :


Je vis beaucoup d’hommes descendus en terre
Qui n’avaient pas pu arriver au Culte ;
Sur leurs têtes étaient placées des étoiles païennes
Marquées de terribles caractères[2].

  1. La vision de l’Enfer est un thème très fréquent au Moyen Âge.
  2. Bergmann explique dans son commentaire que ces caractères tracés sur les étoiles sont « des caractères runiques (il souligne ces mots), qui, depuis l’introduction de l’écriture latine, passaient pour une écriture païenne et pour des signes magiques abominables ; aussi inspiraient-ils au peuple une terreur secrète. » Le-