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eux, elle offre un caractère de bonté dédaigneuse, venant d’un homme sec qui ne fait le bien que par acquit de conscience. Saint-Vincent de Paul n’aurait pas agi de la sorte ; il a ôté les chaînes d’un captif, mais il ne s’est pas arraché sans pitié à une reconnaissance légitime[1].

J’ose le dire, c’est la différence de la charité avec la bienfaisance, de l’amour du prochain inspiré par Dieu avec l’humanité dictée par la justice, et de l’époque précédente avec celle de Montesquieu.

Ses chefs-d’œuvre, pleins de patriotisme, d’expérience, de probité, de modération, de vertu civique et de génie, doivent être étudiés et admirés, car ils sont grands et nobles. Leur seule infériorité vient de ce qu’ils ne procèdent que de l’intelligence et ne s’adressent qu’à elle, sans passionner notre cœur ni enthousiasmer notre âme sensible aux belles choses.

« Respectons, honorons donc[2], la libéralité naturelle et raisonnée. Mais reconnaissons toutefois qu’il manque à cette bonté et à cette bienfaisance une certaine flamme, comme il manque à tout cet esprit et à cet art social du dix-huitième siècle une fleur d’imagination et de poésie. Jamais on ne voit dans le lointain le bleu du ciel ni la clarté des étoiles. »

Pourquoi se plaindre et de ce temps et de cette vie de Montesquieu ? Le véritable temps et la véri-

  1. Madame Rolland, Mémoires édit. P. Faugère, t. II, p. 195-196.
  2. Sainte-Beuve, Causeries du lundi, sur Madame Geoffrin.