Page:Veuillot - L’Imposture des Naundorff, 1885.djvu/135

Cette page n’a pas encore été corrigée

et des morts illustres ! ces tyrans, qui l’avaient eu sous la main, à des époques où, de son propre aveu, on ne soupçonnait point son existence, où, par conséquent, sa disparition fût restée ignorée, ces tyrans n’étaient point parvenus à s’en défaire ! On avait respecté sa vie, l’on continuait à la respecter. C’était plus que singulier, vraiment. Fallait-il attribuer cette chance incroyable à une succession de prodiges, fallait-il en conclure que Naundorff était un imposteur ? Telle était la question inquiétante que devaient se poser déjà certaines dupes de l’aventurier prussien.

Évidemment, une immunité pareille, prolongée, devenait des plus compromettantes pour le succès des inventions du faux dauphin. Cela ne pouvait donc pas durer. Un coup de poignard était obligatoire. Il ne fut point donné cependant, mais Naundorff prétendit l’avoir reçu, ce qui était le principal. Notre homme avait assez bien choisi son moment. Richemont venait d’être arrêté, son procès s’instruisait et le prévenu allait passer devant la cour d’assises. Cette affaire attirait l’attention du public sur les faux Louis XVII. Seulement, on s’occupait, – c’était inévitable ! – beaucoup plus de Richemont que de Naundorff.

En prison préventive et menacé du cachot pour longtemps, le premier jouissait de l’auréole précieuse de la persécution, tandis que le second vivait libre et tranquille, entretenu confortablement par ses dupes. Cette infériorité