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FEUILLETS
retrouvés dans un exemplaire de Shakespeare


I


Donnez-moi votre main, Prince Hamlet. Je connais
Cette fièvre qui bat au creux de vos poignets
Et ce cerne les yeux et qui sèche la bouche,
Car le même fantôme implacable et farouche,
M’a parlé, comme à vous, sur la tour d’Elseneur,
Et j’ai trouvé l’aurore amère et sans bonheur
Après qu’il m’eût fait voir sous la pourpre félonne
Le faux Roï titubant sous sa fausse couronne
Et que d’un geste brusque et rude il m’eût montré
Sous le masque rieur le visage exécré.
Comme vous, quand la Vie à mes yeux apparue
Se dressa devant moi difforme, vile et nue
Avec du sang aux doigts et de la boue au front,
J’ai senti, dans ma chair et mes os, ce frisson
D’horreur, de désespoir et de mélancolie
Que ni les pleurs, hélas ! ni les fleurs d’Ophélie
N’ont pu guérir en vous et dont vous seriez mort
Mieux que du noir poison qui dans la coupe d’or
A son piège tenta votre lèvre trompée
Ou que ne vous tua la pointe de l’épée.