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pas être la mienne. Cela m’irrite et me peine, me prive du bonheur calme que nous donnent à l’ordinaire l’art et la nature. Je ne souffre pas seulement de mon impuissance à m’identifier avec l’âme athénienne, mais encore de connaître avec évidence mon irrémédiable subalternité. La perfection de l’art grec m’apparaît comme un fait, mais en l’affirmant je me nie. On juge de mon trouble. Je faillis en donner une preuve trop sûre... »

Il monte sur des échafaudages, gonflé d’un beau désir. Il veut toucher avec la main la frise du Parthénon. Tout à coup, en perdant l’équilibre, il risque une chute périlleuse. Et il nous dit en riant :

« L’accident souligne assez bien que je progresse mal dans Athènes, et que si je fais un pas en avant, c’est pour me détruire. En un tel lieu, c’eût été un manque détestable de goût. On a beau n’être qu’un barbare, il faudrait être exceptionnellement dépourvu d’atticisme pour terminer le petit poème de la vie sur une chute aussi prétentieuse. »

N’est-ce point délicieux ?

C’est dans l’Epilogue de son livre que Maurice Barrès montre tout le riche butin que lui valut sa lutte douloureuse contre Athènes.

Deux ans se sont écoulés depuis que le voyageur a quitté le rivage attique. Le germe précieux qui était en lui vient d’éclore : la cruelle Athènes poursuit son irrésistible action. Elle travaille son esprit et menace son cœur. En vain Séville et Venise, ses anciennes amoureuses, le pressent de leurs reproches. S’il se penche