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Elle. — Heureux l’homme qui me rendrait heureuse. — C’est ce qu’elles disent toutes. Et malheur aux autres. Surtout malheur à toi, pauvre homme.

Lui. — Je dispute avec moi-même, s’il y a plus de rancune dans mon amour pour vous, ou plus d’amour dans ma rancune. Que ne puis-je le savoir ? J’en aurais le cœur moins lourd.

Elle. — Ne cherche plus : c’est la rancune qui l’emporte. Elle seule se laisse poser de telles questions : jamais l’amour.


HÉLÈNE AU TOMBEAU

Pâris est mort depuis neuf mois.

Neuf mois : Le temps qu’il faut pour faire un homme. C’en est fait de mon amour : Je ne veux plus être immortelle, dit Hélène.

Une femme, jamais, ne se contente de ce qu’on lui donne : Si c’est la chair, elle veut la tendresse de l’âme ; si la tendresse, elle veut la chair. Ce qu’elle rêve, c’est ce qu’elle n’a pas. Voilà pourquoi elles sont si bien à l’église : elles y ont ce qu’elles veulent, et ce qu’elles n’ont point elles rêvent qu’elles l’ont. Tandis que chez elles, il leur arrive, ce qu’elles ont, de rêver qu’elles ne l’ont pas. Elles croient à la vie et au bonheur. Or, c’est un rêve qu’il faut faire à l’église si on veut qu’il dure.

La femme, dont le cœur déçu vieillit avant le corps, qui dira la cage au fond d’un caveau où cette triste hirondelle tremble de froid ? Longue agonie, longs frissons, longue mort.