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Des cris. Des larmes, des sanglots. Dans la rue, Andromaque secoue la tête ; et le roi Priam, prêtant l’oreille, penche l’ombre de son vieux front. Il reconnaît la musique funèbre, qui retentit dans le palais d’amour.

— On s’assassine dans cette maison.

— Oui, sans se toucher, ils se tuent. Et à la fin, même sans parler. Sans se voir, même : de leur seule présence.

Terrible pouvoir d’une femme sur un homme : quand elle se connaît celui de le faire souffrir. Elle ne joue plus avec ce grand cœur : elle pèse sur lui, elle y presse, dans une rage incurable et dans une sorte de curiosité sacrée : jusqu’où peut-elle aller ? jusqu’où sans le briser ? ou, peut-être, pour voir s’il se brise, ce qui en sera ?

C’est sur l’amour qu’il a pour elle qu’elle se fonde à le torturer.

Elle abuse du pardon. Et comme elle peut l’attendre, elle se fait un droit de ne pas le mériter.

Et terribles encore, ô Hélène, ces jours d’humilité qui suivent les nuits de supplice et de querelles. La bonace est un nouveau combat : la molle tyrannie de la résignation a ses fers rouges, et le Denys taciturne du repentir son oreille.

Ces pleurs, cet air battu, cette douceur lasse, agenouillée dans le remords de péchés qu’on avoue sans y croire, voilà les cruelles funérailles d’une journée cruelle et mal morte, qui doit ressusciter avant d’avoir été ensevelie. Ici la victime est tyran et le tyran victime.

C’est dans la femme que l’homme apprend à connaître la