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Ô déesse, pourquoi t’ai-je tant aimée ? Tu n’es plus qu’une femme.

Pâris t’envoie un message : Ma vie est perdue. Quoi de plus affreux que de se dire : ma vie est perdue ? — Elle est perdue, Hélène ! Et toi aussi, ma beauté : tu t’en vas, tu descends la pente : tu touches à ta perte.

La lampe ovale de la lune est haute dans le ciel. En vérité, le fond de la mer se révèle. L’écaille noire de l’océan laisse couler son silencieux trésor de perles. Et les rocs s’enfoncent, à l’ancre de la nuit.

La mer monte et la grève recule. Les rocs ont de l’écume jusqu’au ventre, et le violent baiser d’eau cache leurs mains de laboureurs posées sur leurs genoux.

Es-tu celle à qui l’on ne veut pas parler, mais que l’on désire, pour s’y confondre ? — La mer monte et crie fort.


ORAGES

Pâris a ses pleurs. Et dans l’insomnie, il les cache. Il entend rouler dans son cœur le torrent des plaintes qu’il étouffe. Même usés, les sentiments et les galets dociles gémissent au choc des vagues ; ils ne sont pas si ronds ni polis qu’elles ne sont opiniâtres et fluides.

La femme qui ne croit qu’à l’amour, elle ne croit à rien. C’est la servante qui rallume le feu chaque matin avec colère, et plusieurs fois le jour, s’indignant qu’il puisse s’éteindre. C’est parce qu’elle ne croit à rien, qu’elle croit au seul amour. Ah, dit Pâris, ici c’est le dieu qui se détourne du fidèle.