Elle ne sait si elle aime ce qu’elle embrasse, ni si même elle en aime la douleur. La mer monte, et les rocs de bronze, cachant un profond frissonnement, penchent.
Puissance prodigieuse d’Hélène, don de Tantale : dans l’amour qu’Hélène inspire, il y a un ardent désir du corps pour l’âme, et un désir égal de l’âme pour le corps. Ainsi le désir d’Hélène est éternel dans l’homme. Sa chair ne désire pas tant la chair de la déesse, qu’il ne brûle, en saisissant la chair, d’embrasser l’âme même du désir, qui est l’âme de cette femme. Et il ne se rassasie point de l’embrassement parce que, possédant l’âme, elle renouvelle en lui l’ardent désir de la possession charnelle. Puissante Hélène, elle valait bien la guerre de Troie. J’aurais voulu qu’Achille en fût tenté.
Grand crime entre les amants : quand la chair de l’un ne parle plus à la chair de l’autre. Pour la plupart, la pauvre âme alors est bien en danger.
L’homme, moins fidèle à la chair que la femme, s’indigne pourtant plus du changement. C’est, quand il en a, qu’il donne plus de cœur et plus d’âme.
Je parle de l’âme, et j’en sens le ridicule. Mais le ridicule de la chair, s’il s’agit d’amour, est encore plus grand.
La mer monte.
Un doigt de sang marque de fièvre le calme défaillant du jour. Le terme du jour chemine comme un jeune dieu de marbre noir, qui marche vers la terre. Actéon, Diane te chasse. La nuit paraît sur le seuil des eaux. Elle ouvre la porte, et la lampe de la lune oblongue la précède, qu’élève infailliblement l’esclave fidèle des profondeurs.