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PRÈS DU « LAC D’AMOUR »


I

Le jour vient de s’éteindre et ce n’est pas la nuit :
L’ombre a des reflets clairs ; des lueurs attardées
Sèment de la douceur et des grâces fardées
Sur les contours plus flous de la Ville sans bruit…

Personne… Une langueur dans l’air flotte et se mêle
À la subtile odeur des feuillages mouillés.
Déjà tous les objets sont comme dépouillés
De réel, à mes yeux que le soir ensorcèle.

Là-bas le canal dort ; ici le lac se tait,
À peine un peu ridé par la brise légère ;
Sur un fond vert le pont d’aspect gris et sévère,
Dessine faiblement ses arches en retrait…

Des cloches ont sonné, rythmant de leurs voix grave
Les battements pressés dont s’agite mon cœur ;
Il palpite plus fort devant l’assaut vainqueur
D’un grand trouble à la fois redoutable et suave…

Tout mon être se fond dans l’ardente beauté
Dont l’heure a revêtu la nature pâmée ;