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Mais un jour de printemps,
Il venait, selon sa coutume, emplir la lampe…
Dans le jour bleu, près d’un pilier, sur un prie-Dieu,
Devant la Vierge, il aperçut deux amoureux.
Il s’approche, observant et retenant son souffle…
Et quand ils ont prié, d’un pas léger, rapide
Il les suit… Quel étrange désir le mène
Au cimetière du couvent ?… Les alisiers,
Les lilas agitent un parfum bourdonnant
Qui lui monte au cerveau ; quelque part, dans un arbre,
L’oiseau chante ; deux papillons, ailes en fleurs,
Semblent deux corolles écloses tout à coup
D’un pommier qui renaît… il marche, il va toujours…
Sur un tombeau, dont le chiendent ronge le tertre,
Et qu’envahit tout un flot de lilas fleuris,
Les deux heureux se sont assis. L’ami se penche
Vers l’amie et dans les cheveux de l’amie
Tous les lilas laissent pleuvoir toutes leurs fleurs,
L’oiseau chante, et jouant, volant, se pourchassant,
Sur deux boucles vont se poser deux papillons…
Alors Amarus songe aux tendresses des femmes
Dont il ignore tout, jusqu’au baiser de celle
Qui lui donna la vie. Cependant l’oiseau chante,
Les hauts lilas parfument l’air et l’herbe luit…

Amarus, ce jour-là, n’a pas empli la lampe.

Il reste là, muet. L’oiseau chante toujours.
Quand les moines au petit jour s’en sont venus
Chanter Matines, ils ont trouvé la lampe morte…