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LA MÈRE


( « La Madre » dai « Poemi Conviviali » )

Dans quel affreux breuvage d’ivresse hallucinante,
et d’oubli noir, Glaucus a donc plongé son âme
pour avoir pu frapper l’humble et tendre visage
de sa mère en sanglots ?… Car elle ne pourra
malgré tous ses efforts survivre à la douleur
terrible dont la main de son fils a blessé
mortellement son cœur !…
Et voilà que ce cœur meurtri de tant de coups
se déchire si violemment qu’elle dut en mourir !
Mais aussitôt le bon démon survint
et d’un geste plus vif que l’amour d’une mère
prit son âme suave, la souleva très haut
et l’emporta au loin.
Puis deux, trois fois il la baigna dans le Léthé
en lui disant : « Efforce-toi, chère âme, d’oublier !
Oublie ! Oublie : car tu as trop souffert ! »
Le bon démon déposa enfin la tendre mère
sur le sommet du monde à la cime idéale,
où tout ce qu’il y a de lumière divine
et de beauté immarcescible,
tout ce que l’infini peut contenir de Dieu,
plane éternellement.
Le bon démon déposa enfin la tendre mère
dans les prairies Élyséennes
d’où les âmes jamais ne reviennent à nous
pour souffrir de nouveau la vie désespérante,