Page:Verrier - Essai sur les principes de la métrique anglaise, 2e partie, 1909.djvu/157

Cette page n’a pas encore été corrigée

OniGINE ET ÉVOLUTION DES MKTUES POÉTIQUES I .^| -

Nous avons là, au point de vue musical, une période composée de deux j)lirases, antécédent et conséquent; au point de vue poétique, un "rand vers divisé en deux petits ve/s ou hémistiches (i). La versification était d'abord syllabique, comme elle le resta chez les Perses (v. S i/ja) (2). Puisqu'on n'avait pas d'accent fixe, elle ne pouvait devenir accentuelle. mais seulement quantitative. C'est ce qu'elle devint aussi, incomplètement chez les Hindous (3) et complètement, ou à peu près, chez les Grecs (v. § i43). Sous quelle forme elle se présente chez les Germains, nous le verrons plus tard ('j).

Remauque. — Gomme le vers de quatre pieds dissyllabiques se rencontre l)arlout (v. i; io5 et suiv.), on peut être enclin à supposer qu'il sest dévelopjx'- spontanément et séparément, non seulement chez chacun des peuples indo-curo- j)éens, mais encore à chaque transformation nouvelle de sa versilicalion. Mais la fréquence même de ce vers, le plus naturel de tous, nous oblige à admettre qu'il existait chez les Indo-Européens avant leur séparation ; et comme ils n'ont pu cesser de chanter ensuite, il est bien évident que nous devons voir dans les mètres sem- blables de ces divers peuples une continuation du mètre ])rimilif. Inversement, ([uand on rencontre chez plusieurs peuples de même race ou chez plusieurs géné- lations d'un même peuple, ce qui revient au même, des formes de langage ou de versiflcation qui peuvent ou remonter à une origine commune ou dériver l'une de l'autre, on ne saurait guère hésiter à conclure qu'il en est bien ainsi, quand même il serait possible, à la rigueur, d'expliquer leur développement isolé par les lois de la psychologie ou de la physio-psychologie. Nous savons que la pluparl des peuples désignent le père par les syllabes [pa] ou \la\. La grammaire com- j)arée n'en fait pas moins remonter à un même mot indo-européen le sanskrit lalas, l'albanais lait, le latin lala, le cornouaillais lai et le grec râxa (5) de même que le grec i--zx, le latin alla, le sanskrit alla, le gotique alla, le vieux haut-alle- raand allô, le vieil irlandais aile, l'albanais al, l'ossète âda et le vieux slave ot (Ici) (G). On a d'autant plus le droit d'appliquer la même méthode au vers indo- européen qu'il s'agit d'une forme bien plus compliquée et déjà différenciée dans les plus anciens monuments qui nous restent des diiférentes langues. Ainsi la pronon- ciation actuelle du magyar alya ['ocj] « père » montre que le mot n'a pas été créé par les Hongrois, mais qu'il existait déjà chez le peuple primitif qui s'est divisé en Hongrois, en Finnois, en Turcs, etc. (7) Pour la même raison, nous ne pouvons nous empêcher de faire remonter à un vers indo-européen, de la forme indiquée plus haut, tous les mètres |)erses, sanskrits, grecs, latins, germaniques, slaves ou celtiques qui peuvent en dériver.

(i) Poul-èlro Ir- conséquent se distingiaait-il parfois de l'antécédent par une terminaison tin- tante, comme en grec : J | J J I J J | d 1 J (v- plus bas).

(2) Il me semble difTicile d'admettre, avec M. Meillet (v. Recherches, p. i85), que la versifi- cation de l'indo-f uropéen ait déjà été quantitative : elle ne l'est nctlement que chez les Grecs.

(3) Moins incomplètement qu'on ne le croit d'ordinaire. Sur ce point, v. .Meillet, Journal asiu- lique, septembre-octobre 1897, et .\rnold, ]'e(Uc Melre.

((>) Je n'ose rien dire des Celles. Pour les Slaves, v. Usencr, Allijricchischer \'ersbau, nonii, 1886, p. 69 et suiv.

(5) « Mon vieux » (cp. le dano-norvégicn Far^.

(6) Cp. Mcillft, Les dialccles indo-européens, Paris, 1908, p. 43 et 58.

(7) Finnois fl/vff [' olya], iurc ata ['a/aj.