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LE RYTHME ARTISTIQUE lOl

originel (i). C'est dans leur versification que se manifestent sans doute avec le plus de pureté les caractères particuliers de la métrique indigène. Aussi est-il heureux que, là même ou la poésie littéraire ou pseudo-littéraire les a supplantés auprès des grandes personnes, non seulement ils subsistent ■encore ou aient suscité des imitations sous la forme de rondes enfan- tines, de nursery rhynies, de formules d'élimination, de chansons à comp- ter, etc. (2), mais ils se retrouvent aussi groupés ou développés en chan- sons plus ou moins longues, où nous pouvons voir l'origine de certaines formes littéraires (3). Ce qui nous importe ici, toutefois, ce ne sont pas leurs dlflérences d'un pavs à l'autre, c'est au contraire leur ressemblance «niveiselle : pour qu'en tout pays on leur attribue indépendamment et spontanément quatre vers de deux ou quatre mesures, joints en strophe à -césure médiane, il faut bien que ce choix universel et instinctif soit déter- miné j)ar des causes phvslo-psvchologiques tout aussi universelles. Ces <?auses, je viens de les exposer.

^ 107. Outre notre tendance à organiser nos sensations auditives suivant un rythme, outre la loi physiologique qui nous oblige ou nous porte :i ordonner à peu près de la même manière nos efTorts expirateurs, l'émo- tion intervient également dans le choix de l'alternance et du genre du rythme, aussi bien que dans celui du tempo, de l'énergie et de la marche croissante ou décroissante : les dilTérentes espèces de cette alter- nance et de ce genre ont en effet un éthos différent. Recherche instinctive ^lu rythme auditif, loi phvslologlque de l'effort musculaire, Influence de lémotlon, ces trois agents sullîsent pour expliquer l'origine et le déve- loppement des formes du rythme musical et poétique. Comme ils varient suivant la race, le milieu et le moment, le rythme ne présente pas les mêmes caractères chez tous les peuples. Mais il reste partout le même dans ses grandes lignes, dans son essence : il tient à la constitution physio-psy- chologlque de l'homme, qui reste essentiellement la même dans tous les pays et dans tous les temps.

Î5 loS. Dans les chansons à danser ou à travailler et même dans certaines «-•hansons narratives, comme dans les danses mimiques, le rvthme s'adapte

(i) Il se peut que çà et là 011 v constate une imitation ilc modèles étrangers, mais elle se fait moins sentir qu'ailleurs.

(2) Sur l'antiquité de cette poésie enfantine, surtout des rondes, v. Bohme, Geschichic des Tanzes in Deulscliland, Leipzig, 1886, I, p. 292-3, et A.. Ileusler, Uber Germanischen l'erstau, Ber- lin, 189!. p. ^3 et suiv.

(3^ Le scalde Kormâkr a adopté le quatrain populaire en le relevant par la richesse du mètre •et de l'expression : « Les vagues du bleu domaine des vikings se ruent à grand fracas contre les falaises escarpées, puis les flots retentissants retombent au sein de l'océan. Plus qu'à toi, la pensée de la valkyrie aux joyaux d'or m'enlève le sommeil ; la déesse au collier de pierres n'est point là, Jiélas I quand je m'éveille « (Kormûks saga, str. 56). Nous sommes loin de ce quatrain popu- faire, également islandais : « Heureux saule, tu te dresses à l'abri de la forêt, couvert d'un beau euillage ; on secoue de tes branches la rosée du matin. Et moi, après un homme je soupire nuit et jour » (v. Heusler-Ranisch, Eddica minora, p. io5).