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LA NOUVELLE ÉQUIPE

— Voilà le cri que devraient pousser tous les enfants, dit-elle.

— Vous n’y pensez pas, Madame, dit la vieille mère. Puisqu’on nous dit que l’Allemagne nous attaque, il faut se défendre. Bien sûr, c’est un chagrin pour les enfants, parce qu’ils ne comprennent pas, eux…

— Ils n’ont pas à comprendre, ils sentent, dit Louise à son tour. Et ils sont plus que nous dans la vérité.

— Eh bien, moi, Madame, je ne vous comprends pas, reprit la vieille. Bien sûr, la guerre me fait peur autant qu’à vous, mais j’ai été élevée dans l’idée du devoir et le premier devoir c’est de servir son pays. J’ai eu un frère tué à la guerre de 70, je peux en parler avec fierté. Ma mère a bien pleuré quand il est parti ; mais elle n’aurait rien fait pour l’empêcher de partir.

— Il est bien vrai, approuva le voisin, que ce que les femmes ont de mieux à faire, c’est de ne pas affaiblir les hommes. On a besoin de tout son courage pour s’en aller. Si ceux de notre famille se mettent à pleurer, ce n’est pas le moyen de nous donner du cœur.

Jeanne l’interrompit en se tournant vers son mari :

— Si nous partions Maurice ?

Ce fut Léon qui répondit :

— Oui ; partons. À quoi bon discourir à présent ? Le terrible fatum est prononcé.

Lorsqu’ils furent redescendus sur le boulevard, Maurice demanda :

— Où allons-nous ?

— Je voudrais aller à la Fédération, répondit Léon. Ce n’est plus que j’espère quoi que ce soit. Mais je voudrais connaître la pensée de nos camarades.

— Si vous voulez, proposa Jeanne, nous irons à pied. J’éprouve le besoin de marcher.

— Eh bien, descendons la rue Grange aux Belles.

— Entrerons-nous à la C. G. T. ? demanda Maurice.

Léon haussa les épaules, découragé.