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LA NOUVELLE ÉQUIPE

Mathias, la veille. Elles contenaient le même aveu d’impuissance. Elle songea aux milliers de familles comme celle-là, dont l’humble bonheur allait être jeté à tous les vents par l’implacable folie de potentats intéressés, et elle dit avec douleur :

— Et pourtant… pourtant, si les hommes savaient à quel point ils sont frères.

— S’ils savaient, ajouta Maurice, l’inestimable prix d’une humble existence de travail et d’amour.

Le soleil de midi inondait de sa clarté la modeste salle à manger qui, avec ses faïences enluminées sur le dressoir et les deux estampes pendues au mur, semblait approuver, témoignage vivant d’une de ces vies paisibles, les paroles de sagesse qui venaient d’être dites.


XI


Les deux ménages Bournef prenaient congé de la famille Bourdeau, lorsqu’un voisin se présenta, et cria dès l’entrée :

— Monsieur Bourdeau, c’est fait. L’Allemagne a déclaré la guerre.

Tous se sentirent pâlir.

— Vous en êtes sûr, questionna Jacques Bourdeau.

— Tout à fait sûr. Je viens du Ministère de la guerre, pour des papiers à régulariser. C’est officiel, la guerre est déclarée.

Puis remarquant l’émotion des assistants.

— Cela ne vous surprend pas, je pense ? C’était prévu, depuis hier on attendait cela d’heure en heure.

— Hélas ! fit Maurice, on ne l’attendait que trop.

— Et attendre, dans un cas pareil, c’est presque souhaiter, ajouta Jeanne.

— Tout au moins, c’est accepter, fit Léon.