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LA NOUVELLE ÉQUIPE

va faire, tout à l’heure, les instruments de la vengeance et de la haine.

— Oui, ajouta Léon, c’est par eux que prendront corps haine et vengeance… C’est toujours parce que, dans toute nation, il y a cette tourbe des bas-fonds sociaux, à qui l’on a refusé la lumière, que la perpétration d’une guerre est possible. Ces êtres-là n’ont jamais été délivrés de la violence. Ils sont soumis à la force. Et leur soumission nous oblige, nous autres, à l’obéissance.

Tous s’étaient tus.

— Léon, dit enfin Maurice, le problème n’est pas aussi simple. Ces misérables sont des irresponsables. L’instinct ancestral ne se réveille chez eux que parce qu’on l’a exaspéré. Mais il y a des coupables, et c’est ailleurs qu’il faut les chercher.

Les paroles de Louis Mathias résonnèrent aux oreilles de Jeanne : « En haut, les criminels intelligents ; en bas les brutes livrés à leurs instincts. Entre les deux forces, nous autres n’avons qu’à nous taire ou nous faire écraser ».

Comme c’était vrai. La scène que venait de raconter Louise le confirmait une fois de plus. Et pourtant, songeait Jeanne, était-il exact qu’il n’y eut rien à faire ? N’y avait-il pas une force plus haute que l’intérêt et l’ignorance, et qu’on avait oubliée ?

Cependant Éliane réitérait sa demande.

— Dinez-vous avec nous ?

Ramenés à des préoccupations plus matérielles, les deux ménages Bournef se consultèrent.

— Il ne faut pas nous attarder, dit Jeanne. Je pense que papa et maman nous attendent.

— C’est vrai, s’exclama Maurice, je l’avais oublié. J’aurais bien voulu ne pas revoir le général. Nous ne pouvons qu’être gênés de notre mutuelle présence.

Jeanne réfléchissait, cherchant un moyen de concilier les nécessités.