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LA NOUVELLE ÉQUIPE

effet, travaillait. Son visage était calme. C’était un contraste tellement frappant, cet artiste occupé seulement de son art, alors qu’en bas, sur le boulevard, la foule se pressait, grondante et hallucinée, que les trois arrivants s’arrêtèrent, saisis, dès l’entrée.

Sans cesser de peindre, l’artiste les salua.

— Entrez mes amis, entrez ; mais permettez-moi de ne pas interrompre mon travail. Il ne m’empêchera pas de vous causer.

— Que faites-vous là Julien ? demanda Jeanne en s’approchant de la toile.

— Je termine ce coin de Seine, comme vous voyez. Il m’a donné assez de mal pour rattraper les jeux de lumière. Mais ça va maintenant, la vision m’en est bien revenue… C’est pour cela que je ne veux pas le lâcher.

Silencieuse, Éliane était venue se blottir dans la vieille bergère qu’elle avait quittée pour aller ouvrir aux visiteurs.

— Où avez-vous pris cela ? demandait Léon.

— Ça ! c’est la courbe de la Seine, à la Frette. Vous ne connaissez pas ce coin-là ?

— Vaguement !

— C’est un coin charmant. J’étais allé le faire à la fin de l’autre semaine. Puis, j’ai dû rentrer à Paris brusquement. Mais je ne veux pas laisser cette toile inachevée.

— Vous partez mardi ?

— Il paraît ! Je vous avoue que j’y pense le moins possible.

— Vous êtes extraordinaire, fit Léon.

— Mon pauvre ami, je ne peux rien à la folie du monde. Je partirai, puisqu’il le faut. Mais jusqu’à l’heure inexorable, laissez-moi vivre en liberté.

— C’est ce qui s’appelle de l’héroïsme, dit Maurice avec admiration.

Le peintre, maintenant, prenait du recul pour mieux