Maurice ne répondit pas. De pareilles affirmations n’étaient pas faites pour apaiser ses doutes.
— Excusez-moi, dit-il, je dois monter à la Fédération. Mon frère m’y attend.
Comme ils gagnaient l’escalier, ils durent s’arrêter près d’un groupe assez compact qui leur barrait le passage.
— Moi, déclarait une voix, je vous garantis que si ces salauds d’Allemands nous obligent à aller chez eux, je le leur ferai payer cher.
— Bah ! dit un autre, il n’est pas dit qu’ils y tiennent tant que cela eux-mêmes.
— S’ils n’y tiennent pas, ils n’ont qu’à le dire à leur Kaiser.
— Dis-donc, toi, Morand, est-ce que tu crois que ce serait si facile que cela d’aller le dire à Poincaré ?
— Ce n’est pas pareil, mon vieux. Nous, on est en République. On ne déclarera toujours pas la guerre sans le consentement de la Chambre. Tandis qu’en Allemagne, hé ! c’est Guillaume qui a la parole. Alors, si les autres ne veulent pas marcher pour une guerre, ils n’ont qu’à faire la révolution.
Une nouvelle voix s’éleva :
— Ah ! là, là, les Prussiens faire une révolution. Vous avez vu ça, vous autres ? Ils sont disciplinés jusqu’aux moelles, ces types-là !
— Et puis, ils adorent leur Kaiser.
— Ah ! dites donc, reprit la voix qui déjà avait protesté, il ne s’agit pas de se laisser bourrer le crâne. Je sais bien que les Allemands sont fortement militarisés ; mais quoi, ils sont comme nous, ça ne leur chante peut-être pas plus qu’à nous d’aller se faire trouer la peau.
— T’as raison, Duval. Probable qu’ils aimeraient mieux aussi rester à leur boulot.
— N’empêche que s’ils marchent, nous autres faudra bien marcher.