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LA NOUVELLE ÉQUIPE

— Jeanne !

— Dis-moi toute ta pensée, mon ami, et crois bien que je suis avec toi. S’il n’y a que moi pour te comprendre, au moins que cette assurance te donne de la force.

— Merci, Jeanne ; j’étais sûr de toi. Mais c’est en moi que je ne vois plus clair. L’idée de cette guerre me révolte. J’y sens je ne sais quelle main infernale, hypocrite, odieuse. Toutes les guerres sont stupides ; mais celle-ci m’apparaît plus stupide encore que les autres. Je voudrais au moins être certain que mon pays n’y est pour rien, qu’il y est entraîné seulement par ce jeu imbécile des alliances. Et comment savoir ? Ce voyage de Poincaré en Russie en un moment aussi grave. Qu’a-t-il fait ? Qu’a-t-il dit ? Ne devait-il pas user de toute sa puissance pour empêcher la Russie de se lancer dans une guerre ? Tous ces emprunts qu’elle a faits chez nous lui permettaient de parler avec assurance. Si la Russie ne l’avait soutenue, la Serbie aurait bien arrangé ses affaires avec l’Autriche de façon à éviter la guerre…

Jeanne regardait son mari avec une anxiété mêlée de tendresse.

— Et cet assassinat de Jaurès, continuait Maurice, ce crime qu’on eût dit machiné, ourdi à l’avance ; et la politique trouble du gouvernement toute cette semaine, cette impossibilité de savoir quelque chose. Et cette acceptation sans lutte, par ceux qu’on eût pu croire les plus rebelles à l’accepter, d’une guerre qui sera une horreur, on peut le prévoir, avec les armes modernes…

— Mon pauvre ami, ta conscience est mise à la torture. Et pourtant combien peu te comprendraient.

— Mais Jeanne, ce qui est affreux, c’est que je ne sais plus moi-même si je suis dans la vérité. Il s’agit