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LA NOUVELLE ÉQUIPE

Quand tous se retrouvèrent à table, la conversation prit d’abord un tour général, mais fatalement la brûlante question ne pouvait manquer de revenir.

Ce fut Pierre qui la remit en jeu.

— Grand-père, demanda-t-il, est-ce que tu vas faire la guerre ?

— Peut-être bien, répondit gaiement le général.

— Réfléchis-tu à ta demande, Pierre, fit remarquer Jeanne. Grand-père a soixante-huit ans !

— Eh bien, ma fille, en quoi mon âge m’invalide-t-il ? Je les porte gaillardement, je pense, mes soixante-huit ans. Ma santé est excellente. Et Pierre pourrait bien avoir dit la vérité, car je suis venu me mettre à la disposition de l’autorité militaire.

— Parles-tu sérieusement, papa ?

— Très sérieusement.

— Mais tu es en retraite, voyons.

— Ma fille, le général Delmas ne se couvrira pas de la retraite pour se dérober à l’appel du pays et de l’honneur.

Le général affectionnait les déclarations de ce genre. Elles amusaient toujours Léon Bournef.

— Très cornélien, ton beau-père, disait-il à son frère.

Mais aujourd’hui Maurice ne songeait pas à sourire.

— Oui, continuait le général, je viens me mettre à la disposition de l’État-Major. Demain matin je me rendrai au Ministère. J’ai fait la guerre de 70, je peux bien encore faire celle-ci.

Jeanne frissonna. La certitude de son père la jetait dans l’épouvante. Depuis vingt-quatre heures elle se cramponnait désespérément à cette pensée que la mobilisation n’était pas la guerre, et qu’il était encore permis d’espérer. Mais elle ne voulut pas formuler cet espoir.

D’ailleurs, le général se tournait vers Maurice et lui demandait :