Page:Vernet - La nouvelle équipe, 1930.pdf/55

Cette page a été validée par deux contributeurs.
49
LA NOUVELLE ÉQUIPE

frer son âme, si c’est possible. Puisque maman est là, elle tiendra compagnie aux enfants.

— Mais certainement, rien ne t’empêche de venir.

— Et puis, mon ami, je voudrais te quitter le moins possible.

La voix de Jeanne s’était altérée en disant ces mots. Ému, Maurice l’attira dans ses bras.

— Ma femme aimée, dit-il, songeons à tous ceux qui souffrent comme nous.

— Et pourquoi, Maurice, pourquoi ? s’écria Jeanne en révolte.

— Oui, pourquoi… Mais allons retrouver ton père.

Le général Delmas était radieux. Bien qu’il eût suivi sans plaisir l’évolution à gauche de son gendre en ces dernières années, il lui avait toujours témoigné la même cordialité, désireux de conserver des relations agréables qui lui permettaient la compagnie de ses petits enfants. Ce matin là, il accueillit son gendre avec une affabilité plus grande que de coutume. Mais dans l’étreinte de Mme Delmas, Maurice perçut toute l’émotion de l’excellente femme.

— Eh bien, mon cher Maurice, dit le général, voici venues enfin, pour la France, des heures décisives.

— Des heures graves, Général !

— Graves, je vous l’accorde. Mais de belles heures, du moins il faut l’espérer.

Malgré l’intimidation qu’elle éprouvait toujours en présence de son père, Jeanne ne put se retenir de protester.

— Oh ! papa, comment peux-tu dire cela ? De belles heures quand on est en perspective d’une guerre.

— D’une guerre que la France attend depuis quarante ans, pour effacer l’injure de la défaite et remettre des pages de gloire dans son histoire !

— À quel prix ? du meurtre, du sang, tant de vies sacrifiées.