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LA NOUVELLE ÉQUIPE

nous l’organisation la plus formidablement disciplinée qui soit : l’armée ! Demain matin nous nous réveillerons tous militarisés, que nous le voulions ou non, et le miracle se sera accompli sans notre volonté.

— C’est pourtant vrai, remarqua Maurice.

— Demain matin, continua Lenoir, la police sera maîtresse de Paris. Allez donc lui résister !

— Que ferez-vous, Lenoir ?

— Moi ? Oh ! je partirai. Je ne me sens pas de force à lutter contre l’État tout entier.

— Mais enfin, s’écria Léon, puisqu’il n’y a pas de déclaration, ne devrions-nous pas au contraire profiter de cette demi-liberté que nous possédons encore pour essayer d’agir près du gouvernement. Les affaires de la Serbie et de l’Autriche, cela ne nous intéresse pas, nous, en France.

— Mais cela intéresse sans doute grandement le Comité des Forges, gronda Marcel Lenoir.

— Voyons Lenoir, vous un militant, un esprit libre, presqu’un anarchiste, vous capitulez aussi rapidement.

— Si je capitule, c’est par raison. Je sais d’avance que nous sommes vaincus.

Jacques Bourdeau, des Charpentiers en fer, qui jusque-là s’était tu, dit à son tour :

— Et puis, voyez-vous, pour que les organisations du travail aient pu quelque chose contre la guerre, il aurait fallu qu’elles soient soutenues par les intellectuels. Et depuis une semaine que nous essayons, dans nos organisations, de nous dresser en protestataires, qu’ont-ils fait les intellectuels ? N’auraient-ils pas dû soutenir Jaurès ?

Celui qui n’avait pas parlé encore, un jeune militant du livre, René Lorget, prit la parole :

— Les intellectuels sont trop loin du peuple. Ils le dédaignent. Et demain ils seront des chefs dans