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LA NOUVELLE ÉQUIPE

tait. Jusqu’à l’assassinat de Jaurès ils avaient conservé leur optimisme. Mais depuis vingt-quatre heures ils comprenaient que les forces mauvaises gagnaient la partie.

Lorsqu’ils rentrèrent chez eux, ce soir-là, ils étaient attendus depuis un moment déjà par trois militants syndicalistes avec lesquels ils s’étaient liés. Un jeune sculpteur de vingt-cinq ans, élève des Beaux-Arts, Benjamin Thomas, les attendait également.

Les poignées de mains échangées, ce fut d’abord Marcel Lenoir, expert et dessinateur du bâtiment, d’esprit anarchisant, qui parla :

— Eh bien, vous venez de l’Humanité ?

— Nous en venons.

— Qu’y avez-vous appris ?

— Oh rien, dit Maurice découragé.

— Comment, rien ?

— C’est vrai fit amèrement Léon. Nous n’avons rien su de positif, sinon que l’état de siège commence demain matin avec l’établissement de la censure.

— Vous avez vu Pierre Renaudel ?

— Non ; il était absent. Nous avons été reçus par Jean Rémy. Très affecté par la mort de Jaurès il ne pense guère à autre chose.

Le jeune sculpteur intervint.

— C’est partout pareil, dit-il. Dans tous les milieux, politiques, syndicalistes, libertaires, chez les artistes, chez les étudiants, partout, on ne parle que de cela. Dès qu’on se groupe, l’assassinat de Jaurès devient le centre de pensée et de conversation.

— On pourrait dire, remarqua Marcel Lenoir, que l’événement a été préparé afin d’absorber les esprits, et les détourner des menaces de guerre.

— Il est un fait, dit gravement Maurice, que rien ne pouvait mieux désorganiser les seules forces capables de mettre un frein à la folie nationaliste.