Page:Vernet - La nouvelle équipe, 1930.pdf/391

Cette page a été validée par deux contributeurs.
385
LA NOUVELLE ÉQUIPE

échoué par la faute de la guerre elle-même. Julien Lenormand n’était que l’instrument, aveugle, hélas, du destin ! Mais le destin, là encore, était forgé par les hommes. Il n’y a pas de destin hors des hommes. Ils sont les maîtres du mal ; quand ils voudront le bien, le mal sera vaincu.

Didier songea ainsi toute la nuit.


Au petit jour, le général qui jusque là avait conservé une complète immobilité, essaya quelques mouvements. Des sons rauques s’articulèrent dans sa gorge. Didier crut bon d’aller chercher Jeanne. Derrière elle, Henriette et Mme Delmas pénétrèrent dans la chambre.

Le général, visiblement, était agité. Ses yeux s’étaient ouverts, ses lèvres remuaient. Il essayait de parler. Des réminiscences sans doute passaient dans son cerveau blessé. Et toujours les sons rauques roulaient dans sa gorge.

Enfin, sous l’effort d’une dernière volonté, ces sons prirent une forme, un semblant de forme :

— Le… pe… pe… tit… fils…

Ils avaient compris. L’effort continuait :

— du… du… gé… gé… né…

Mais ce fut tout. La dernière syllabe ne vint pas. Les sons s’arrêtèrent, l’oppression monta, devint râle.

Jeanne était tombée à genoux au pied du lit. Le mourant, maintenant, était aux prises dernières avec l’agonie. Ses râles emplissaient la chambre. Vers dix heures un pâle soleil de janvier tomba sur le lit, et tout à coup les râles s’arrêtèrent.

Le silence les avertit tous que c’était fini.

— Mon père, mon père, cria Jeanne, pardon !

Elle était terrassée par cette mort. Son père tué par le geste de son fils ! Le cauchemar s’effacerait-il jamais ?