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LA NOUVELLE ÉQUIPE

— Je le veillerai seul, dit-il, je renouvellerai la glace, et au moindre changement je vous appellerai.

Elles s’y refusèrent. Didier fit appel à la sagesse coutumière d’Henriette.

— Le docteur vous a dit qu’il pouvait rester deux jours dans cet état, et cette accalmie prouve qu’il avait raison. Votre mère et votre grand’mère ne peuvent pas rester deux jours sans prendre de repos. Obligez-les à être raisonnables.

La jeune fille comprit la justesse de ce raisonnement et ses instances eurent, comme toujours, un bon résultat. Mme Delmas et Jeanne consentirent à s’étendre tout habillées, prêtes à répondre en cas d’alarme. Cédant à Didier, Henriette les imita.


Seul, près du lit, Alexandre Didier songeait. Il songeait à ce qu’il y avait d’inexorable, quelquefois, dans les événements. Le geste de Pierre tuait le grand père. Le petit-fils, pacifique d’esprit, de cœur et de caractère, devenait le meurtrier du vieux guerrier, farouche serviteur de la vieille entité bardée de fer et casquée d’acier qui se dressait encore sur le monde. Pourtant, Pierre aussi, comme l’aveugle, était innocent. Depuis quinze ans la guerre n’avait point cessé d’achever ses victimes. Il en tombait encore tous les jours. Aujourd’hui, elle assassinait l’un de ses servants. Elle avait fait une fausse manœuvre ; mais la coupable, c’était elle.

« Toute la paix contre toute la guerre » avaient-ils dit à la Nouvelle Équipe. L’image, ici, était saisissante. Dans le geste de Pierre, c’était la paix qui s’était dressée contre la guerre, et c’était la paix encore qui s’était levée contre le vieux soldat. Mais c’était la discipline qui frappait le petit-fils qui du même coup terrassait le grand-père. Les événements s’enchaîneront toujours. Toutes les précautions qu’on avait prises avaient