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LA NOUVELLE ÉQUIPE

— M’sieur Bournef, dit-elle, c’est-il vrai qu’on aura la guerre ? Y croyez-vous, vous ?

— Bah ! il ne faut pas s’alarmer outre mesure, Madame Mathieu, tout peut encore s’arranger.

— Ah bien ! au moins vous raisonnez avec du bon sens, vous, m’sieur Bournef. Mais ils disent tous qu’à présent c’est une affaire décidée.

— Mais non, Madame Mathieu, rien n’est décidé ; on mobilise seulement, par prudence.

— Oui, oui, mais on f’rait p’têtre mieux de rester chacun chez soi.

Puis avec un grand air candide :

— Véyez-vous, tout ça c’ n’est point sérieux. Parce qu’on a assassiné un duc et une duchesse, pas vrai, il n’y a pas de quoi nous faire partir en guerre ? Moi, j’ dis qu’on a qu’à couper l’ cou aux criminels ; mais c’est tout d’ même pas là une raison pour faire tuer l’ monde… Allons, à r’voir M’sieur Bournef.

— Au revoir, Madame Mathieu.

Pensifs, les trois hommes se dirigèrent vers la maison.

— La sagesse tombe quelquefois des lèvres des simples, dit enfin Maurice.

À l’intérieur de la maison, les préparatifs de départ se poursuivaient. Jeanne et Louise, la femme de Léon, avaient déjà descendu les valises. Les enfants impressionnés causaient sérieusement. Mme Bournef mère s’empressait à préparer le déjeuner.

À onze heures l’angélus sonna comme à l’ordinaire. Puis immédiatement après, les cloches commencèrent le tocsin. Les sons lugubres montaient vers un ciel splendide, semblant défier le soleil. Tous écoutaient, debout, graves, recueillis, cependant que la vieille Mme Bournef pleurait.

— Maman, calme-toi, dit Léon en allant l’embrasser. La guerre n’est pas déclarée, tout peut encore s’arranger.