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LA NOUVELLE ÉQUIPE

Quand Henriette vit Didier, elle étendit la main vers le moribond :

— Voyez, dit-elle, on l’a tué quand même.

— Emmenez-là, Monsieur Didier, dit Mme Delmas.

Alexandre entraîna la jeune fille. Il la fit asseoir près de lui, et obtint d’elle le récit de ce qui s’était passé.

— Fatalité, dit-il.

— Le journal avait dû glisser entre deux feuilles, ou s’y trouver pris, quand Julien a rangé ses feuilles dans le casier. Cela ne s’explique pas autrement. J’ai fouillé toute la maison quand j’ai su que grand-père allait venir, et je suis certaine qu’aucun journal ne restait, nulle part. J’avais inspecté cette pièce là comme les autres, mais je n’ai pas pu avoir l’idée de regarder là. Et quand le journal est tombé, l’oncle Julien ne pouvait le voir.

— Terrible revanche, fit Didier, rêveur.

— Que dites-vous, Didier ?

— Que la guerre, qui a mutilé votre oncle, vient par ricochet de tuer votre grand-père par l’intermédiaire de l’aveugle. S’il avait eu ses yeux comme nous tous, Julien Lenormand n’aurait pas cette mort sur la conscience.

— Didier, ne dites pas cela. Julien Lenormand est innocent.

— Je suis heureux que vous le disiez, Henriette. Je craignais que la douleur ne vous ait fait perdre la droiture habituelle de votre raison.

Elle se redressa :

— Ne craignez rien. J’ai toute ma raison, et je n’accuse personne. Mais j’aimais mon grand-père.

— Je le sais, dit-il…

Vers minuit la respiration du mourant s’était faite plus calme. L’oppression avait beaucoup diminué. Ses yeux s’étaient fermés. On eût dit qu’il dormait.

Didier voulut obliger les trois femmes à se reposer.