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LA NOUVELLE ÉQUIPE

et, vaincu dans mon humanité et dans ma liberté morale, j’ai donné mon adhésion à la guerre.

« Pierre, c’est là qu’est l’erreur. L’homme ne doit pas disparaître devant le citoyen ; l’homme est supérieur au citoyen, comme l’humanité est supérieure à la cité. L’évolution de l’homme est un élargissement continuel des limites qui l’enserrent. La cité fut une belle page dans l’histoire sociale de l’homme. L’idée de patrie eut sa grandeur. Mais ces stades sont dépassés. L’humanité porte en elle le principe de son universalité, et elle marche vers sa réalisation. C’est ce qu’il faut entendre, à mon avis, par le règne de Dieu. L’homme, en maintenant les prérogatives du citoyen, entrave cette évolution de l’Humanité vers le règne de Dieu.

« La guerre, c’est l’œuvre du citoyen, affirmant la supériorité de sa cité sur la cité voisine, de sa nation sur la nation qui lui est étrangère. À l’origine de la guerre il y a l’orgueil et la vanité, il y a l’égoïsme et le désintéressement de la souffrance d’autrui. Si l’homme ne fait pas disparaître la guerre, il tarira les sources de l’humanité. Et il ne fera disparaître la guerre qu’en proclamant cette supériorité de l’homme sur le citoyen, que je viens ici d’affirmer.

« Mon fils, cette guerre qu’on déclare être la dernière des guerres, ne sera pas la dernière si ceux de ta génération ne comprennent pas cette vérité, qui m’est apparue pendant ces deux mois de convalescence où j’ai trouvé assez de repos d’esprit pour pouvoir juger clairement les événements qui bouleversent actuellement le monde.

« Vois-tu, les seules réalités sont des réalités vivantes. La vie, voilà le critérium. L’humanité est une réalité vivante, et chacun de nous représente la vie de l’humanité. Un Français et un Allemand, ce sont deux hommes portant en eux l’humanité tout entière. Dans leur humanité, ils ne sont pas ennemis. J’ai encore le