des êtres qui sont bons sans douceur, incapables de donner avec grâce, et qui conservent une attitude hostile en faisant le bien. Votre père est de ceux-là. De plus, il ne partage pas vos idées.
Le jeune homme l’avait interrompue.
— Ma mère ne les partage peut-être pas absolument, elle non plus ; mais du moins elle les comprend.
— Elle est votre mère.
— C’est-à-dire, elle m’aime.
Henriette, doucement, lui prit la main.
— Votre père vous aime aussi, Jean. Mais d’une autre façon.
Mais la blessure avait été trop vive.
— Non, dit-il âprement, s’il m’aimait il ne m’eût pas dit ces choses.
La jeune fille sentit qu’il valait mieux ne pas insister.
— Dans quelque temps vous verrez plus juste, dit-elle.
Il fit un geste d’incrédulité.
— Dites plutôt, conclut-il, que le fossé se creuse toujours un peu plus entre nous deux.
Henriette soupira.
— Toujours l’incompréhension, fit-elle. Savez-vous qu’il m’arrive de penser qu’elle fait autant de mal que la haine.
Il eut un cri.
— Mais, est-ce ma faute, Henriette ?
Tendrement, presque maternelle, elle attira sa tête sur son épaule.
— Ce n’est pas votre faute, ami ; mais c’en serait une d’aggraver encore cette incompréhension qui est entre vous. Tâchez de comprendre votre père, vous. Ainsi vous réduirez la distance qui vous sépare. C’est votre devoir, à vous, de faire cet effort, puisque vous savez mieux. Jadis, le pauvre Pagnanon me disait : si ma mère ne peut me comprendre, il n’en est pas de