Page:Vernet - La nouvelle équipe, 1930.pdf/355

Cette page a été validée par deux contributeurs.
349
LA NOUVELLE ÉQUIPE

Il songeait maintenant à le prendre tout à fait près de lui pour réaliser pleinement le vœu de la disparue. D’ailleurs, le jeune garçon, à présent, devait entrer dans la période des études sérieuses, et il désirait le faire inscrire à Louis-le-Grand, qui se trouvait à deux pas de son petit appartement de célibataire. Mais il s’effrayait un peu pour l’enfant de la solitude de sa vie.

C’était de cela qu’il s’entretenait ce jour-là, avec Jeanne, après un déjeuner pris en commun, et pendant que les quatre jeunes gens échangeaient les souvenirs de leurs semaines de séparation. Il avait, en la veuve de Maurice, une confiance absolue pour tout ce qui touchait à l’éducation. Sa clairvoyance, sa compréhension, puisées à la bonne source du sentiment, la trompaient rarement dans cette question si délicate.

— Voyez-vous, lui disait-il, je me demande si j’ai bien le droit de l’enlever aux joies familiales, à la sollicitude, qu’il a toujours trouvées ici, pour lui faire partager mon désert. D’autre part, je ne puis oublier que le désir suprême de sa mère était de nous réunir. Jeanne songeait. Elle s’était attachée à Didier, attirée qu’elle avait été vers lui par ses fortes qualités, mais surtout par sa généreuse bonté. Elle n’était pas éloignée de le considérer aussi comme un fils. La grande douleur qui avait passé dans la vie de cet homme, si jeune encore et pourtant si durement éprouvé, le faisait tout proche d’elle. Et elle sentait, sous cette enveloppe stoïque, un cœur trop privé de tendresse. Oui, la présence de Rolf lui serait un réconfort ; mais il avait dit vrai, cette solitude serait nuisible au développement harmonieux du jeune garçon. D’un autre côté, elle comprenait également que le regret de la morte serait plus poignant encore avec la présence continuelle de l’enfant. Si fort que fut Didier, c’était un homme, un homme de trente-cinq ans à peine, et