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LA NOUVELLE ÉQUIPE

vidu qui sait se servir d’un fusil peut être tenté de le prendre ; celui qui a obéi à la discipline militaire en temps de paix, pourra peut-être n’avoir pas la force de lui résister devant la guerre. Ma décision est donc prise : je n’apprendrai pas le maniement des armes, je ne me plierai pas sous la discipline du militarisme. Sans attendre le désarmement, je me désarmerai moi-même. Voilà ce que j’avais à vous dire.

Tous avaient écouté, frappés par cette voix calme, lente, presque froide.

Henri Renoir demanda :

— Vous êtes chrétien, peut-être ?

— Non, je suis anarchiste.

Puis, remarquant un peu d’étonnement autour de lui :

— Vous êtes surpris ? Habituellement, je sais, les anarchistes sont plus démonstratifs, plus bruyants. Moi, je ne suis pas un violent. Je réprouve tous les systèmes qui ont recours à la violence. Je ne suis pas révolutionnaire, au sens où l’on entend ce mot. Mais je suis un anarchiste. Je pense que l’individu possède toute la force morale, s’il le veut.

— Quel âge avez-vous ? demanda Didier.

— J’ai vingt-trois ans.

— Mais alors, vous auriez dû faire votre service militaire ?

— Je sais. Je ne l’ai pas fait encore. Devant la loi, je suis un insoumis. Mais cette situation ne me plaît pas. Je l’ai acceptée pour des raisons supérieures. Ma mère, qui avait souffert des privations de l’occupation, est devenue très malade en ces dernières années. Les médecins appelés à la soigner la condamnèrent. Je n’ai pas voulu lui imposer les souffrances morales de me savoir poursuivi, emprisonné. Je n’ai pas répondu à l’appel de la conscription, et j’ai attendu. Ma mère est morte en novembre. J’ai quitté Lille immédiate-